De l'art et l'importance du paraître

Longchamp, ce matin d'Octobre. L'humidité nocturne s'est condensée en une nappe de brume fine et laiteuse qui s'attarde sur les champs de courses. Spectacle insolite, le haut des boxes de départ émerge des vapeurs du sol. Leur structure métallique héberge des lapins sauvages qui s'agitent dans la rosée, profitant des restes de la nuit.  Car la pelouse sera bientôt foulée par des cracks. Sur le haut des portiques figure l'inscription : Qatar Prix de l'Arc de Triomphe.
Il est maintenant dix heures et la journée s'annonce belle. Une foule internationale se presse déjà devant le grand portail.  Voitures avec chauffeurs escortées de motards. Des japonais photographient des personnalités du Golfe, les britanniques prennent leurs habitudes et commentent les journaux.
Les hippodromes prestigieux appartiennent à cette catégorie de lieux dans lesquels la façon de se présenter est source de distinction. Les chapeaux se rencontrent, ils couvrent des regards haut perchés qui se croisent et s'échangent selon un protocole éprouvé au point d'en apparaître naturel. Ces regards révèlent une fierté construite avec les matériaux de l'assurance et la facilité.
J'aime à présenter mes sujets de société comme une forme de théâtre et je ne crois pas blesser les personnes captées par mon objectif en les présentant comme des acteurs accomplis d'un jeu social dans lequel chacun joue son rôle. Un jeu à enjeu certes mais n'interdisant pas la spontanéité du spectacle inconsciemment offert par soi-même à la foule.
Jean Lavanchy, 06-11-2011
Back to Top