UNE ENFANCE IMMEMORIALE
Tes souvenirs construisent un monde que tu crois encore posséder mais déjà disparu. Tes espoirs en demain n'adviendront pas, seul compte ce moment que tu vis présentement, qui s'étire comme un long tube dilaté au fil des jours, de seconde en seconde. L'instant éternité.
Je choisis ce point de vue pour approcher les sociétés traditionnelles car leur passé est aussi leur futur. Elles sont sous contingence de la nature et de son hasard. Elles le savent. De cette conscience naît un ordre ancestral, une structure de sentiment que je nommerai : l'Humanité Permanente.
Certes, l'hiver viendra et malgré cela, nous imaginerons l'instant éternité comme un été interminable, indicible et ineffable. Seuls les cris des hirondelles déchirent l'espace ample du silence. Sur des terrains vagues, les enfants courent en hordes joyeuses et indisciplinées. Les enfants naissent du décor. Les enfants sont les hirondelles, ce sont les personnages principaux de mes voyages.
Enfants tige, enfants fleur, enfants fossile, vous êtes les gardiens naïfs du Temps Immobile. Tout comme les amoureux ou les gens de peu et, plus généralement ... Tous ceux qui n'ont pour seule richesse que de faire leur temps.
Pourquoi les enfants des pays pauvres ont-ils un regard à la fois fier et hagard ? Léger et profond en même temps? Je vois dans le regard des enfants cette étincelle qui est l'équivalent de la lumière inventée par les peintres hollandais, combinant naïveté et gravité, réalisme et transcendance.
Ce regard, je l'ai croisé de multiples fois à l'approche des villages qui me semblaient à première vue déserts. Attirés par ma présence insolite de visiteur, les enfants accouraient à ma rencontre. Et ce regard étrange mêlé de contraires était celui de la découverte, une frontière entre le monde familier et l'ébahissement devant l'étranger. Pour moi, ce regard est le lieu de l'enfance et l'enfance est le lieu du voyage.
Jean Lavanchy, 07-08-2015
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